La ruée vers l'or

Sujet sélectionné à la Bourse du Talent 31 catégorie reportage. 2007.

L'or vient de battre son précédent record de 1980, a savoir 865 Dollars l'once, et certains spécialistes estiment qu'il pourrait atteindre 900 $ très rapidement. Après la dépression de 2000, les prix ont ainsi doublé depuis cinq ans, dopés par une demande mondiale très soutenue.
Mais qui se cache derrière cette immense économie ?.
Des multinationales d'extraction de l'or soutenues par les grandes banques commerciales aux producteurs artisanaux, le continent africain est aujourd'hui le principal fournisseur d'or de la planète.
Confrontées à la baisse régulière des cours mondiaux du coton, les autorités ont décidé de mettre l'accent sur la relance des activités minières. Les derniers troubles financiers ayant aussi profité à la fameuse valeur refuge dans un contexte de dépréciation du dollar et des craintes inflationnistes.
 Bien qu'il fasse vivre, ou plutôt survivre beaucoup de personnes, l'orpaillage traditionnel est lui totalement absent des politiques publiques qui se tournent ajourd'hui davantage vers les multinationales dont les Etats sont souvent actionnaires. L'accoissement de la concurrence ajoutée aux effondrements réguliers de tunnels ont décidé certains pays à créer des brigades anti-fraudes destinées à contrôler les quantités d'or extraites de façon informelle et à améliorer le recouvrement fiscal de la filère.
Mais depuis 1990, date à laquelle le désintérêt pour le métal jaune a laissé le champ libre aux chercheurs artisanaux, et encouragé la prolifération de comptoirs d'achat informel autour de sites abandonnés ou inexploités, l'or attire toujours autant de monde. Séduite par l’appât du gain d’un gisement neuf, ou lieu de la dernière chance, une foule de migrants, célibataires ou en famille continue d'affluer à la recherche du précieux métal. Des villes temporaires dépourvues d'eau et de réseau électrique se créent ainsi spontanément, dès que la nouvelle d'une découverte de pépite s'est répandue dans la région.


Partis tôt ce matin de Banfora, et après deux heures de taxi-brousse, nous arrivons à Dégué-Dégué, au sud-ouest du Burkina-Faso, dans la province du Houêt. La poussière recouvre tout de sa couleur ocre, et sous une chaleur étouffante, nous découvrons ce bidonville de 20 000 habitants perdu en pleine brousse. Dégué-Dégué, littéralement “ doucement mais sûrement ” en dioula, s’est crée il y a cinq ans lorsque les mines plus anciennes de la région comme Moussobadougou ne rapportait plus suffisamment.

Le moteur de l’antique 404 éteint, tout semble calme ici. Il est midi et le soleil est à son point le plus haut. Seule une charrette d’eau tirée par un âne vient rompre le silence de l’harmattan qui tournoie. Nous serons hébergés chez Ali, le “ chef de gare ” ; il ne part plus à la mine mais vend l’essence pour les bâchés et autres rares mobylettes. La façon de travailler des orpailleurs, sorte le légionnaires venus d’ailleurs, n’a pas changé depuis 2000 ans et les outils restent rudimentaires. “ Ici, l’eau est vendue 100 Fcfa (0,15 euro) le bidon de 20 litres car il faut aller la chercher à cinq kilomètres. Peu d’orpailleurs peuvent s’autoriser ce produit de luxe. Regardez ce que j’ai ramassé aujourd’hui ! ”. Nous plongeons alors la tête dans la bassine de ce père de quatre jeunes enfants qui vient de passer onze heures au travail. “ Je vais en tirer au maximum 400 Fcfa (0,60 euro) de cette miette, et ce ne sera encore pas assez pour nourrir suffisamment ma famille ” conclue-t-il. Dès 7 ans , les enfant descendent dans le trou, le gouvernement ne faisant rien pour scolariser ces mêmes enfants qui ont la malchance d’habiter dans un campement provisoire.
“ Au début, vous voyez, là où les gens habitent, toute cette zone a été retournée et fouillée. Aujourd’hui, les orpailleurs cherchent d’autres endroits, à l’extérieur du village, autour des cultures de l’hivernage ” explique le chef du village. Car durant la saison humide, une partie des orpailleurs travaillent aux champs, ce qui leur permet d’avoir un peu de mil et du sorgho en réserve. “  Ici, on est loin de tout, et le manque d’eau, d’hygiène, la précarité des logements et la poussière rendent la vie très difficile. Sans parler des maladies qui se développent pendant la saison humide, comme le paludisme, la tuberculose ou la typhoïde que tu ne peux aller bien faire soigner qu’à Banfora, à condition de sortir 10000 francs (15 euros) de la réserve ” explique un pharmacien de la rue.

Malgré tout, malgré les quelques conflits entre artisans et communautés liés à l’appât du gain et à une organisation sociale différente d’ailleurs, les gens rigolent , se parlent et s’entraident. En fin de journée, les hommes viennent vendre la maigre récolte de la famille aux acheteurs disséminés dans la ville et mandatés par le “ boss ” qui contrôle la production de plusieurs sites aurifères de la région. Grâce à ses hommes qu'il missionne sur les différents sites, il en assure aussi la sécurité et l'ordre, en partenariat avec le chef du village.( on utilise encore ici l'expression « chef du village » malgré la population, et en raison du caractère excentré de la ville). Le soir venu, ces hommes se retrouvent au vidéo- club qui passe en boucle des films chinois ou pornographiques.

“  Si tu as la chance de tomber sur un caillou, la seule chose à faire, c’est de ne rien à dire à personne, de ne pas revenir chez toi ou faire tes valises, mais de partir loin le plus vite possible comme si tu t’échappais d’une prison pour ne pas attirer l’attention de quelqu’un. Sinon, tu es mort. ” nous confie Amadou, orpailleur-coiffeur, installé ici depuis trois ans.

Emmanuel Blivet 2007.